Contre toutes attentes, c’est pour le Vietnam que nous nous envolons du « vieux continent ».
Plus de 16 ans après, nous retrouvons ce pays qui nous avions quitté avec un certain soulagement, à l’occasion d’une fantastique traversée de l’Asie.
C’est vrai: nous n’avions pas été conquis… tant le contact avec les Vietnamiens avait été difficile et les multiples trajets inconfortables. Alors pourquoi y revenir?
« La première impression est toujours la bonne, surtout si elle est mauvaise » disait Henri Jeanson 1. Mais est-ce une raison suffisante pour ne pas souhaiter en avoir une deuxième? Sûrement pas, surtout que cette fois, c’est en famille et à vélo que nous visiterons (une petite partie de) cet étonnant pays. Et ça change tout!
D’une part, les Vietnamiens sont d’une gentillesse et d’une bienveillance déconcertantes avec les enfants (qui plus est lorsqu’ils ont les cheveux et les yeux clairs) et, d’autre part, nos drôles de montures nous permettent de rencontrer un autre Vietnam, celui qui n’est dans aucun guide touristique, qui n’a rien à nous vendre et qui trouve notre mode de transport tout à fait épatant.
Le plein d’énergie à Saïgon
C’est chez Ronald et Manh que nous restons une petite semaine dans la plus grande ville du pays. Un accueil des plus chaleureux pour une introduction toute en douceur au Vietnam, à sa culture et à sa cuisine.
Outre les vestiges architecturaux laissés par les Français, c’est surtout la formidable vitalité de cette ville de plus de dix millions d’habitants qui frappe. Des scooters partout, les rues qui débordent d’étales en tous genres et une quantité phénoménale de bars et restaurants pleins à craquer.
Évidemment, parcourir la ville à vélo peut s’avérer être extrêmement aventureux. Mais le trafic est étonnement fluide, tel le courant d’une rivière où chacun trouve sa place, à l’exception des voitures, trop grosses pour suivre le mouvement. Aucun contact, aucun énervement, aucun arrêt, juste un concerto permanent de klaxons.
Heureusement, la ville recèle de nombreux temples, véritables havres de paix, où il est possible de reposer ses oreilles à la senteur de gigantesques spirales d’encens pendues au plafond.
Mais à peine ressortis, une nouvelle vague d’énergie nous emporte de l’autre côté de la rivière Saïgon, qui donna son nom à la ville. Le contraste entre les nouveaux quartiers bardés de gratte-ciels et les maisons en tôle ondulée des zones les plus pauvres est saisissant.
C’est acclimatés, requinqués et impatients que nous quittons finalement la ville, rebaptisée Hô Chi Minh-Ville à la suite de la victoire du Nord sur le Sud, en 1975.
Sur les « hauts » plateaux
Étonnement, la ville disparaît assez vite pour laisser place à une campagne verdoyante. Seul le trafic reste impressionnant.
Nous quittons Hô Chi Minh-Ville vers le nord, en direction des plateaux montagneux qui longent une partie des frontières avec le Cambodge et le Laos. En route, nous ferons halte dans une ferme dont nous avaient parlé Ronald et Manh. Et quelle ne fût pas notre surprise lorsque les cinq enfants (sur six) nous accueillent dans un français impeccable!
Plus loin, c’est au bord d’un lac qui nous planterons notre tente, loin du vacarme des grands axes.
Peu à peu, les champs disparaissent pour laisser place à des forêts épaisses adossées à des collines de plus en plus conséquentes. Les montées sont rudes sous une chaleur et une humidité étouffantes.
Une fois le premier col franchi, de vastes étendues s’ouvrent à nous. La région est réputée pour son café mais également pour son thé et ses vergers, dont la production de fruits de la passion.
La région, très vallonnée, est magnifique et se prête merveilleusement bien à la pratique du vélo. Les routes sont calmes, les habitants chaleureux et la nature luxuriante.
Nous sommes début décembre et tous les jours nous recevons (enfin, surtout Émilie et Antoine) une surprise pour notre calendrier de l’Avent improvisé: sucettes, glaces, fruits délicieux, noix de cajou, pop-corn, chocolat, chips, jus de canne à sucre, crevettes vivantes. Chaque fenêtre est l’occasion d’une rencontre et la découverte de nouvelles saveurs.
Au bord de la mer, entre deux resorts
Après cette escapade en altitude, la redescente fût abrupte et soudaine.
Retour à Mui Ne, 17 ans après et 1’000 mètres plus bas. Les Russes et le sable de la plage principale ont disparu; pour le reste, peu de changements. Le vent souffle toujours et l’endroit est encore en chantier. Seules augmentations notables: les prix et le nombre de déchets.
Un peu plus au sud, une malencontreuse erreur de lecture de carte nous fait longer la côte. Ici, point de route ni d’hôtels, juste quelques cahutes brinquebalantes reliées entre elles par des fils électriques et des pêcheurs détachés, pour quelques temps encore, des temps modernes.
« Papa, dans 100 ans, notre planète, elle sera moche! Il y aura du plastique et des gros hôtels partout! »
Que te dire ma fille lorsque l’on voit que le contenu d’une noix-de-coco, pourtant étanche, est transvasé dans un gobelet en plastique, avec un couvercle en plastique, une paille en plastique et une cuillère en plastique, le tout mis dans un sac en plastique avant de finir, généralement, au bord de la route?
Que te dire ma fille en voyant que sur la ribambelle de resorts qui longent la côte, un tiers sont à l’abandon, un tiers sont en construction alors que le tiers restant semblent vaguement fonctionnels mais vides?
Que te dire ma fille… Que j’admire ton optimisme?
Finalement, c’est un peu par hasard que nous trouverons un petit bout de plage où mettre notre tente pour la nuit et, le temps d’une baignade au crépuscule, on se prend à rêver d’un monde sans plastique ni béton.
Chants de Noël à Vung Tau
Nous ne pensions faire que passer, nous y sommes restés dix jours. Dix jours à attendre un paquet qui ne veut pas passer la douane. Dix jours partagés avec Alexia et Guillaume qui nous accueillent sans nous connaître dans leur appartement perché au 32ème étage d’un building (quel cadeau!). Dix jours bercés au son des chants de Noël qui résonnent dans toutes boutiques de la ville.
Dix jours à Vung Tau, c’est long et court à la fois.
On en profite pour apprendre à lire et à écrire, jouer et passer du temps au bord de l’eau.
Mais aussi pour aller participer à une activité de Noël dans une école pour enfants à besoins particuliers.
Puisque c’est de saison, on va voir (et même grimper dedans) Jésus qui, du haut de ses 32 mètres, domine toute la ville. Et aussi Bouddha, à peine plus modeste, assis sur une autre colline. Mais c’est peut-être chez les Cao Dai que nous trouverons un certain compromis: rassembler sous le même toit confucianisme, taoïsme, bouddhisme, christianisme, islam et culte des ancêtres.
Dans le dédale du delta
Nous qui n’aimons pas particulièrement le plat, on a été servi! À peine 600 mètres de dénivelé (essentiellement des ponts) sur les quelques 500 kilomètres de notre traversée du delta du Mékong, immense territoire agricole où l’eau occupe une place prépondérante.
Sillonner cette région à vélo est des plus plaisants. Il y a des petites routes partout, les nombreux cocotiers nous offrent une ombre bienvenue et la nature est omniprésente.
Par contre, il nous est très difficile de trouver des endroits où monter la tente, tant le moindre bout de terrain est occupé, soit par des plantations, soit par des habitations.
Depuis toujours, les habitants de la région apprivoisent l’embouchure du quatrième plus grand fleuve d’Asie, que ce soit pour l’agriculture ou les transports.
Aujourd’hui, c’est dimanche! Alors chaque maison (ou presque) sort enceintes et micros pour un concerto de karaoké pas toujours très audible. Nous, on en profite pour s’échapper sur un des multiples canaux qui quadrillent la région et dont les eaux changent de sens en fonction des marrées.
Passer Noël dans cette région ne nous laisse pas indifférents. Loin de nos familles et de nos amis, loin des montagnes et de la neige, nous réalisons simplement la chance que nous avons de pouvoir vivre cette aventure tous les quatre.
Sur une île perdue
Il fût un temps où Phu Quoc, la plus grande île du Vietnam, était splendide: plages immaculées, eaux limpides, animaux sauvages, forêt luxuriante. Elle souffrait cependant d’un défaut: elle ne générait aucun profit.
Depuis, la situation s’est nettement améliorée. Des ports et un aéroport ont été construits, des routes font le tour de l’île et des hôtels ont poussés comme des champignons tout le long de la côte. Des pseudo-répliques de Venise ont même été construites de part et d’autre du territoire. Dès lors, l’argent semble couler à flot, des déchets jonchent le sol et les grandes infrastructures peinent à se remettre de la pandémie…
En cherchant bien, on trouve encore quelques coins non-exploités. Mais pour combien de temps?
Le développement économique de cette île (et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres) semble inexorable. Mais dans quel but? Et à quel « prix »? Pas évident d’aborder ses questions avec nos enfants, d’autant plus que, d’une manière ou d’une autre, nous contribuons au phénomène…
1 Aucune idée qui est ce brave monsieur mais il n’a manifestement pas toujours raison…
Magnifiques photos et texte, merci!
Avec plaisir!
Très beau récit qui nous fait rêver et voyager, merci et bravo !
Contents de vous emmener (un peu) avec nous!
Mais quel plaisir de vous retrouver sur le blog 😊! J’ai passé un agréable moment en votre compagnie à travers vos belles photos et ton récit. Merci 🤩
Sans doute mieux installée que sur une selle de vélo (même si on y est très bien)!
Merci pour ce récit si riche et si bien écrit et pour les magnifiques photos qui nous donnent un aperçu de votre voyage hors du commun. Ce soir, j’ai fait avec vous un superbe voyage au Vietnam! Merci!
Chouette de savoir que tu voyages avec nous, sans ajouter de poids dans nos saccoches!
Merci pour ce beau carnet de voyage qui m’a ramené 25 ans en arrière…Phan Thiet était plus propre alors!! Profitez bien !
Muriel et Christian
On vous croit sur parole! Et on craint que ce ne soit que le début…
Coucou la famille! On vient de regarder votre progression depuis Colmars : fantastique!!! Quel beau voyage; vous semblez avoir trouvé un rythme de croisière qui vous portera loin! Bravo à toutes les jambes, grandes et petites. On espère que la petite souris a trouvé l’oreiller d’Emilie:))))) Ici hiver avec peu de neige et des allures de printemps, mais pas du 25/35° malgré tout. Profitez bien de la suite!
Salut les amis!
Oui, depuis que nous sommes en Asie du Sud-Est, le rythme est bien meilleur.
La petite souris est passée par ici, et elle repassera sans doute par là 😉
A nos lointains cousines et cousins, un grand merci pour ces belles photos et ces ouvertures sur le monde. Bravo à tous les quatre et merci de nous faire voyager avec vous.
Avec plaisir Micheline!
Et contents de savoir que vous nous suivez par ici.