Plein le Pô

Route désespéramment droite dans une région désespéramment plate.

« Si tu as le choix entre un chemin qui monte et un qui descend, choisi celui qui monte. C’est plus facile de descendre mais tu risques de finir dans un trou dans le Pô » [1].

La descente fût vertigineuse: près de 2’000 mètres en moins de 24 heures.

Pour notre deuxième nuit en Italie, nous campons déjà au bord du Pô, fleuve auteur d’une immense étendue désespérément plate reliant les Alpes à la mer Adriatique.

Magnifique coin de bivouac au bord du Pô, encore à l’état de petite rivière.

Nous savions que ça allait être long… Au point d’hésiter à rester en Italie pour rejoindre la Via Francigena et mettre le cap vers le Sud, jusqu’aux Pouilles.

Finalement, c’est une description tout à fait fantasmagorique de l’EuroVelo 8 qui orienta notre choix plein Est.

Quelques villes jalonnent le trajet.

Tout d’abord Torino, berceau de la Fiat et dont les artères regorgent de moteurs à explosion. Heureusement, les Jeux olympiques de 2006 ont permis au centre-ville de se piétonniser, permettant à chacun de lécher glaces et vitrines dans une relative tranquillité.

Turin, blottie le long du Pô, avec les Alpes (et des nuages) en arrière plan.

Puis Cremona, ville fortifiée par les Romains il y a plus de 2’000 ans et dont l’air actuel compte parmi les plus néfaste du pays.

La cathédrale de Crémone et son campanile.

Et finalement Ferrara, ville médiévale, centre artistique et culturel au glorieux passé aux nombreuses ruelles où nous n’avions pas d’autre choix que de nous y perdre.

Mais entre deux…

En quête du tracé idéal

Après Torino, toute forme de relief disparait. Reste une vaste étendue au cœur de laquelle sillonne, parait-il, un itinéraire vélo « idéal pour les familles ou les débutants en cyclotourisme ».

Notre expérience étant ce qu’elle est, on ne l’a pas trouvé. On a même fini par partir 25 kilomètres trop au nord, pensant naïvement que les autocollants collés à chaque carrefour nous mèneraient à bon bord.

Ponctués de chemins agricoles à peine carrossables, de sentiers sablonneux propices à l’enlisement ou de routes étonnamment sinueuses et trop fréquentées, l’itinéraire tant recherché se transforma rapidement en grosses routes totalement rectilignes.

Parmi nos nombreuses tentatives de trouver une trace valable, nous emprunterons des petits bouts de la Via Francigena.

Heureusement, dès Cremona, la navigation devient nettement plus simple: il suffit de suivre la digue.

Sur la digue de la rive gauche: plus moyen de se perdre mais pas forcément très roulant…

Le vertige de la digue

C’est quand même fou tout ce qu’on peut voir, en roulant à 10 mètres en dessus de l’altitude moyenne d’un territoire occupant près d’un tiers du pays…

D’un côté, on a ce qui fait le charme de l’Italie: les petits villages dont les habitants se retrouvent aux terrasses des cafés, un nombre impressionnant d’églises entourées par un nombre encore plus impressionnant de bâtiments à l’abandon, des vieilles pierres un peu partout…

Et de l’autre, la culture intensive du maïs, du tournesol et autres plantes fourragères pour nourrir des milliers de cochons, vaches et poulets qui ne verront jamais le soleil; à nous donner envie d’arrêter de manger de la viande. Mais aussi la culture intensive du riz, de la tomate ou de la pastèque; à nous donner envie d’arrêter les fruits et légumes.

Du haut de notre digue, il nous arrive d’avoir la tête qui tourne.

Tout est intense en fait: la chaleur, l’humidité, le nombre de moustiques voraces, les étendues de forêts servant à la production de papier, les déchets plastiques…

Alors, du haut de notre interminable digue, on se prend à rêver de bord de mer, sans doute toute aussi plate mais, on l’espère, très différente.

Petit air de Truman show. La mer existe-elle vraiment?

[1] Adaptation libre et spontanée d’un proverbe lu une fois je ne sais plus où.

Commentaires

  1. Jean-Marc

    Pas de Pô les Fonto

    1. Les Fonto

      Ça aurait pu être un titre possible, en effet.
      Mais on s’estime plutôt chanceux de pouvoir vivre cette aventure en famille.

  2. Berthoud Muriel et Christian

    Le Pô c’est aussi le risotto! Avec une bonne truffe d’Alba un délice incontournable! Ça met un peu de goût dans la plaine un peu fade! Merci de vos commentaires toujours pleins de saveur et très appréciés. Bonne route!

    1. Les Fonto

      Oui bien sûr, même si de notre côté, on passe plus de temps « en selle » qu’à table!

  3. Marie-Claude

    Nous prenons beaucoup de plaisir à vous suivre dans votre périple. Nous avons aussi pédalé dans cette région et cherché parfois longtemps un chemin au bord du Pô. Bravo pour tous ces kilomètres, c’est impressionnant. Bonne continuation et bisous à tous.

    1. Les Fonto

      Merci Marie-Claude!
      Contents de savoir qu’on n’est pas les seuls à s’être « perdus » dans la platitude de cette région 😉

  4. Jacques JURY

    Merci infiniment ! Vous avez un don pour le récit et le partage de votre périple. Le vélo est une des techniques et pratiques qui pourraient nous transformer en partenaires de la nature.

  5. Les Fonto

    Merci à toi Jacques d’avoir été sur notre route! En espérant se recroiser un jour!

  6. perrin jpyv

    Hello les jeunes!,,,quel plaisir de vous lire,,!,,,,, on pense beaucoup à vous les parents, et aux bouts-de-choux ,,, vos photos sont magnifiques et nous rappellent certains voyages que nous avons faits avec plaisir….dans notre jeunesse!!!! passez un temps de l’Avent paisible et joyeux ainsi qu’un Noël béni doux bisous aux enfants,Jean-paul et Yvette 2 XII 23 Morges

    1. Les Fonto

      Merci! Bon temps de l’Avent à vous aussi.

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