À travers les bois

Trois panneaux en bois vermoulu dont un indique la direction de la Snowy River.

Dès notre premier jour en Australie, on nous a parlé de la Snowy River Road, mince cordon de gravier qui serpente quelque part entre les collines des « Alpes australiennes ». Cent cinquante kilomètres sans asphalte ni village et en plein bush.

En quittant Melbourne, la décision est prise: c’est en coupant par la forêt que nous rejoindrons Sydney, 1’500 kilomètres plus loin.

Dernier coups de pédales le long de l’océan, magnifique et sauvage.

Rapidement, nous quittons la côte pour nous enfoncer à travers eucalyptus, fougères géantes et autres feuillus. Par chance, d’anciennes lignes de chemin de fer ont été transformées en pistes cyclables, nous offrant un formidable terrain de jeu relativement plat.

Loin du trafic et loin du bruit, nous serons pratiquement seuls à emprunter ces itinéraires dédiés à la mobilité douce.

Quelques vestiges jalonnent le parcours: grands ponts en bois, anciennes gares, vieux hôtels et villages assoupis. La région peine à conserver ses habitants, faute de travail et de perspectives d’avenir.

Construit en 1916 et long de 247 mètres, le Stony Creek Trestle Bridge vit passer son dernier train en 1988, après qu’un incendie en fragilisa la structure.

Alors que nous nous apprêtons à prendre de la hauteur, le printemps s’installe peu à peu et, avec lui, le thermomètre remonte gentiment, nous laissant espérer des nuits un peu moins froides. Quant à la pluie, on croise les doigts!

On en a rêvé pendant des mois de cette nuit-là! Pas un nuage, rien pour obstruer un ciel resplendissant et une température acceptable. Mémorable!
Quelques jours après: retour de la pluie, de la grisaille et du froid… Ce n’est pas encore gagné.

Buchan représente notre dernière chance de faire des courses. À l’épicerie du village, pas de pain et pratiquement pas de produits frais. Seuls quelques paquets de pâtes et de biscuits prennent la poussière sur les étagères.

Heureusement, on avait prévu le coup en remplissant nos sacoches au dernier supermarché, à 80 kilomètres de là.
Le prochain magasin? Il est à Jindabyne, plus de 170 kilomètres plus loin.

Nous passerons deux nuits chez Kay qui nous met à disposition une caravane pour nous protéger du froid. Seul et en pleine nature, cet homme de 74 ans vit dans des portacabines depuis que sa maison a brûlé lors des grands incendies de 2019. Réservoirs d’eau de pluie, bois de chauffe, panneaux solaires, véhicules électriques et téléphone satellite: une vie autonome, faite de solitude et d’isolement, qui s’apparente, parfois, à de la survie.

En route pour la corvée de bois sur l’immense terrain de Kay.

Désormais, nous devrons nous aussi gérer nos ressources; qu’il s’agisse de l’eau, de la nourriture, de l’électricité ou de notre propre énergie. Quel apprentissage, pour chacun de nous!

En route vers la Snowy River. Pas sûr qu’on croise qui que ce soit ces prochains jours.

Soudain, après une grosse montée, la Snowy River est là, face à nous. Majestueuse, elle slalome inlassablement entre des collines verdoyantes. Et à ses bords, gambadent paisiblement émeus et chevaux sauvages. Magique!

Tout ça pour ça… Est-ce que ça en valait la peine? Assurément!

Reste à sortir de la vallée, ce qui n’est pas une mince affaire. De fortes pentes et un gravier pas toujours ferme nous contraignent à pousser les vélos sur de nombreux kilomètres. Mais peu importe, la route est splendide et il nous faut impérativement arriver à l’autre bout avant de ne plus rien avoir à manger.

À l’heure du souper. Pas de surprise, le menu est le même que celui de la veille: pâtes sauce tomate.
Fin de journée sur le parc national de la Snowy River. La nuit fut fraîche (4°C) mais tout le monde a bien dormi.
Dernière étape avant Jindabyne. Après 5’000 mètres de dénivelé positif accumulé en une semaine, la route devient enfin un peu plus plate.

Jindabyne, 900 mètres d’altitude, 3’000 habitants. L’endroit nous paraît bien étrange avec ses magasins de ski, ses nombreux restaurants et ses activités touristiques en tout genre. Nous ne ferons que passer avant de poursuivre en direction du Mont Kosciusko, situé à quelques dizaines de kilomètres plus à l’ouest.

L’ascension se poursuit, sur asphalte cette fois, mais les pentes de l’Alpine Way sont terriblement raides (et nos jambes cuites).

Laissant les vélos le temps d’une journée, c’est en télésiège et à pied que nous « gravirons » la plus haute montagne du pays.

Drôle de randonnée sur les kilomètres de passerelles menant au sommet du Mont Kosciusko.
L’hiver n’a pas été très généreux en termes d’enneigement. Nous ne croiserons qu’un petit névé sur notre chemin.
Émilie et Antoine au point le plus haut de l’Australie! À 2’228 mètres…

Maintenant au sommet, il ne devrait y avoir que de la descente pour rejoindre l’océan, n’est-ce pas? Si seulement…

Encore 6’500 mètres de dénivelé nous attendent, principalement sur gravier, avant de rejoindre la côte puis Sydney, la plus grande ville du pays.

Il y a cinq ans, la région était ravagée pendant dix semaines par des feux de forêt. Et le long de la route, les stigmates de ces grands incendies sont encore bien visibles.
En route pour Braidwood. Pas de bus scolaire pour Émilie et Antoine, mais deux vélos et des apprentissages quotidiens qui sortent de l’ordinaire.

De retour au bord de l’océan, nous retrouvons la Princes Highway qui relie Adélaïde à Sydney. Cet axe routier majeur, véritable cauchemar pour cyclistes, ne nous avait pas manqué.

Oui, ça vaut la peine de regarder! Ça aurait pu nous éviter de se faire ramasser par un pickup et de finir avec une côte cassée…

Certes, en coupant par la forêt, notre itinéraire fut sensiblement plus long, et surtout plus pentu. Mais il avait ce doux parfum d’aventure et il nous permit de profiter de l’incroyable diversité de l’Australie.

Et dire que nous n’avons vu qu’un tout petit bout de cet immense pays…

Harbour Bridge et l'opéra de Sydney: deux symboles de la capitale de la Nouvelle-Galles du Sud, dernière étape de notre séjour australien.

Commentaires

  1. Guillaume

    Un grand merci pour ces magnifiques récits, toujours aussi inspirants !
    Que les bonnes vibrations de l’asphalte continuent de vibrer dans vos coeurs et vos âmes ! (Et pas trop dans vos fesses…)

    1. Les Fonto

      Merci Guillaume!
      Malheureusement, c’est surtout du gravier qui nous attendait pour la suite 🙂
      On vous raconte ça prochainement!

  2. Serge

    ….. un vrai travail de journaliste: bravo et merci! (:pas grave?), Serge

    1. Les Fonto

      Si tu fais référence à la côte cassé, c’est un peu comme la grippe: faut attendre que ça passe.
      Mais pas sûr que de déplacer des cartons de 30 kg fasse partie des remèdes recommandés…

  3. Bertrand

    Incroyable aventure ! Nous avons voyagé un peu en Australie, ça me fait réaliser un peu plus l’énormité du truc. Il semble que ce soit trop tard pour rencontrer notre famille à Melbourne ou Perth, mais nous avons aussi des amis sur la Gold Coast si jamais!

    1. Les Fonto

      Oui « énorme », à plus d’un titre!
      Ça aurait été avec plaisir de rencontre votre famille, mais nos jambes ont bien tourné depuis.
      Mais pas exclu qu’on y retourne un jour!

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